BURNING DAYS - (KURAK GUNLER)

Fraîchement nommé, un jeune procureur prend son poste dans une ville perdue en Anatolie, en proie à des pénuries d’eau. Découvrant l’engouement des notables locaux pour la chasse, il devient rapidement la cible de tentatives de séduction et d’intimidation... Par le prisme du polar tendu, le réalisateur turc Emin Alper restitue l’insidieuse mécanique des populismes et nous suspend au bord du gouffre!

À Yaniklar, l’eau provient de la surexploitation des nappes phréatiques, ce qui provoque la formation subite de dolines de taille à engloutir des maisons entières. C’est dans cette ville fictive sise sur les plaines arides de l’Anatolie turque que le jeune Emre vient d’être affecté en tant que procureur. Il y découvre un engouement féroce pour la chasse: à Yaniklar, les notables n’hésitent pas à poursuivre le gibier en ville et à tirer des coups de feu à tout va. Ce sont eux qui dirigent la région et ont la mainmise sur l’approvisionnement en eau. À l’approche des élections, Emre accepte leur invitation à dîner et, tandis que coule le raki, l’hospitalité devient de plus en plus pesante.

En s’ouvrant sur l’image d’un gouffre impressionnant puis une scène de chasse poignante, Burning Days impose d’emblée une atmosphère troublante. Utilisant à merveille les décors naturels, le cinéaste turc Emin Alper crée un univers où suinte l’inquiétude, aussi bien dans les maisons labyrinthiques que dans le désert, les regards ou les poignées de main. La ville de Yaniklar se fait le miroir des pays minés par la corruption, les populismes et l’homophobie. Grâce à la violence sous-jacente de sa mise en scène et de ses dialogues, le réalisateur de A Tale of Three Sisters nous invite à sonder la moralité face à des enjeux politiques, sociaux et écologiques universels. Mais il se garde de tout jugement. Privilégiant l’ambiguïté de ses personnages, à commencer par le procureur dont il restitue l’imaginaire et les souvenirs en flashbacks, Alper signe un polar passionnant qui surpasse le film de genre.