KONGO

À Brazzaville, un monde invisible régit le monde visible. L’apôtre Médard se démène pour guérir les malades victimes de mauvais sorts. Mais sa vie bascule lorsqu’on l’accuse publiquement de pratiquer la magie noire.

Note des réalisateurs :
En Afrique, aucune sphère de la société n’échappe à l’enchantement et à la magie. Des femmes délaissées recourant à des philtres d’amour aux équipes de football sur-vitaminées par les sortilèges, jusque dans les hautes instances de la politique… Pour pénétrer cet univers étrange, il était indispensable pour nous de travailler à deux, afin d’affiner notre compréhension, mais surtout pour ne pas perdre pied dans l’irrationnel. Car derrière l’omniprésence du merveilleux se cache un aspect plus inquiétant : celui de la sorcellerie. Ce sujet délicat est devenu le point de départ de notre film ; pour l’aborder nous avons décidé de nous placer du côté des Ngunzas, une confrérie de guérisseurs traditionnels à Brazzaville, chargés de combattre les mauvais sorts. C’est ainsi que nous avons rencontré l’apôtre Médard qui, en ouvrant son temple à notre caméra, est devenu le personnage principal de Kongo.

Note de l'ACID :
Kongo avec un «K» évoque le royaume séculaire de cette zone de l’Afrique Centrale, mis à bas par l’arrivée des colons portugais au XVIème siècle. Le temps a passé depuis, mais des forces immuables sont toujours à l’œuvre. Dans son église, l’Apôtre Médard traque le mauvais sort qui se niche dans le corps des patients qu’il reçoit. Il incante, exorcise, invoque, mais les démons sont habiles et c’est l’apôtre lui-même qu’on accuse de sorcellerie. Dur métier que de guérir les âmes. Dur métier que de vivre dans un monde où les croyances vacillent. Scène après scène, l’invisible imprime sa marque sur l’image, engageant notre propre croyance, qui est aussi celle que nous avons dans le pouvoir magique du cinéma. Kongo déroule ainsi un formidable récit, constamment relancé par l’imprévisibilité d’un réel qui surpasse, par endroits, les meilleures fictions. À travers le personnage de Médard, l’apôtre tourmenté, c’est aussi la résistance d’un pays aux puissances colonisatrices qui se manifeste, avec une sensibilité aux êtres et aux choses qui en fait tout le prix et la beauté. Kongo est un film d’aventure. Un film à suspens gouverné par les esprits.

Mot de l'apôtre Médard :
«J’ai hérité des pouvoirs de ma mère à sa mort quand j’avais deux ans. Aujourd’hui encore, c’est elle qui dirige mon église Mizeitis Mia Kongo. Ma mère (son esprit) revient parfois dans l’église en rentrant dans le corps d’un disciple par la transe. Parfois, elle nous parle, nous laisse des messages sur les directions pour mener notre église au bon endroit. Moi je suis seulement un intermédiaire, j’ai la vision, je peux voir les mauvais sorts chez les gens, mais ce sont les esprits qui soignent, mon rôle est de les convoquer. Hadrien et Corto, les deux blancs, avant qu’ils ne viennent, je les ai prophétisés. Mais avant qu’ils commencent le tournage, il fallait d’abord demander l’autorisation spirituelle à ma mère. On est allé sur sa tombe et celles des autres ancêtres, on leur a exposé la situation. Ils ont donné leur accord pour le tournage.»