A CONTRE COURANT

À bord de l’Oloferne, le collectif «Boats4people» entreprend un voyage à contre-courant des trajectoires migratoires, à contre-courant des idées reçues et des politiques sécuritaires. À contre-courant, aussi, de la vague bleu marine des dernières élections municipales. En 2011, plus de 2000 migrants sont morts ou ont disparu en Méditerranée. Une mer, pourtant, extrêmement surveillée par l’Otan, Frontex, les marines nationales. Plus les moyens de contrôle augmentent, plus il y a de morts… Lors de la première séquence du film, deux rescapés d’un naufrage livrent de surprenants témoignages : pendant leurs quinze jours passés en mer, des hélicoptères militaires les ont approchés, pris en photo… et sont repartis. Des navires militaires les ont approchés, pris en photo… et sont repartis. «La plupart d’entre nous sont morts.» Onze ont survécu. En 2007, en Italie, des pêcheurs tunisiens étaient poursuivis par la justice et emprisonnés pour avoir secouru des migrants en détresse. Une forte mobilisation internationale a permis leur libération. Pour l’équipage de l’Oloferne, embarqué en juillet 2012, «sauver des vies n’est pas une option». À bord, des militants, des avocats, des journalistes, des universitaires, mais aussi le père d’un jeune, probablement décédé, porte-parole des familles de disparus. Le voilier remonte les routes migratoires, entre Italie et Tunisie, faisant escale dans plusieurs ports : Cecina, Palerme, Monastir, Lampedusa… Ses passagers y organisent des veillées en hommage aux disparus, des conférences et des expositions pour sensibiliser la population locale, mettre en œuvre « des actions qui humanisent l’autre». En dépit de la gravité du sujet, l’atmosphère de ce documentaire de Nathalie Loubeyre n’est pas pesante : comme les migrants qui cherchent à gagner l’autre rive de la Méditerranée, les équipiers de l’Oloferne rêvent, éveillés, à un monde meilleur. Ils y travaillent déjà.