GUI LE MANI

Le 7 mars 2008, la direction des chemins de fer suisses (CFF) annonce la privatisation de la maintenance des wagons marchandises et la délocalisation de l'entretien des locomotives. 430 ouvriers des usines Cargo CFF de Bellinzone entrent immédiatement en grève. En quelques jours naît un vaste mouvement de protestation qui touche toute la région. La «pittureria», hangar préposé au vernissage des trains, devient à la fois le centre et le symbole de la lutte. Le bras de fer qui oppose les grévistes à la direction des CFF dure trente jours. Durant cette période intense, le durcissement des positions oblige la classe politique à sortir de sa réserve: le ministre des transports doit intervenir. Le 5 avril, la direction des chemins de fer est contrainte de retirer son plan de restructuration et doit garantir le maintien des usines jusqu'en 2012. Le 7 avril, l'assemblée des travailleurs met fin à l'agitation et mandate le Comité de grève pour participer à la table ronde concordée entre les parties, afin de maintenir et de développer l'activité des usines au-delà de 2012. GIU LE MANI, dont le titre reprend le slogan scandé par les ouvriers lors des manifestations ?, se place au coeur de cette lutte dont la portée a très vite dépassé la défense des emplois pour toucher à quelque chose de plus universel, qui est la question du rôle de l'individu dans une économie toujours plus globale. Il remet ainsi au centre du débat la place de l'homme dans la société et ses valeurs. Dans sa démarche artistique, Danilo Catti s'attache avant tout au matériel humain. Il dresse le portrait d'individus engagés et volontaires, dévoile leur intelligence vive et stratégique. Dans ce élan de résistance exceptionnel, il sait montrer l'enthousiasme, la joie et l'émotion provoqués par l'incroyable solidarité, mais également l'angoisse, l'usure, les tensions et la fatigue provoquées par la pression et les incertitudes.

Le propos du réalisateur :

La grève de Bellinzone a été initiée et menée par les ouvriers. C'est un aspect important qui a marqué tout ce qui est arrivé par la suite. Ce qui m'a tout de suite frappé, c'est la détermination, l'intelligence et la créativité de ce mouvement, l'intelligence de ceux qui ont des mains capables de travailler et de réfléchir. Cela a été une grève intense, durant laquelle j'ai vu crier de rage et pleurer d'émotion. J'ai tourné sans répit, ayant peur de perdre des moments importants. L'agitation a été beaucoup médiatisée. Dès les premiers jours, il a fallu trouver un point de vue qui permette de présenter un regard interne, proche des ouvriers. Mais, dans les moments de tension, la présence d'une caméra était dangereuse. Jusqu'à la fin, l'accès aux négociations a été entravé, alors que le comité de grève a ouvert ses portes quelques jours après Pâques. Mis à part ces limites objectives, j'ai cherché de montrer comment l'union des travailleurs, le soutien populaire, la mobilisation de la classe politique et surtout l'intelligence stratégique, la sagesse et la force des arguments défendus par Gianni Frizzo et ses collègues ont permis de sauver l'atelier de Bellinzone.